Le 24 mars 2025, un arrêté interministériel annonçait une révision à la hausse des tarifs de l’électricité au Togo, incluant également les coûts liés à l’éclairage public. Cette décision, prise sans consultation apparente des principaux acteurs du secteur, suscite une vive inquiétude parmi les organisations de défense des consommateurs. Au premier rang d’entre elles, la Ligue des Consommateurs du Togo (LCT), qui dénonce une mesure perçue comme déconnectée des réalités sociales du pays.
Cette augmentation intervient dans un climat socio-économique particulièrement tendu. L’inflation persistante, combinée à une stagnation du pouvoir d’achat, fragilise une grande partie de la population togolaise. Pour de nombreux observateurs, la hausse du coût du kilowattheure (kWh) risque d’exacerber la précarité énergétique des ménages, déjà confrontés à des interruptions fréquentes de la fourniture en électricité et à un accès inégal aux services de base.
Un processus décisionnel opaque
Au cœur des critiques : l’opacité du processus décisionnel. Selon la LCT, ni le ministère en charge de l’Énergie, ni l’Autorité de Réglementation du Secteur de l’Électricité (ARSE), ni même la Compagnie Énergie Électrique du Togo (CEET) n’ont été associés de manière transparente à cette révision tarifaire. Cette absence de concertation interroge sur la gouvernance du secteur énergétique et sur le respect des droits des consommateurs, pourtant protégés par le cadre légal national – notamment la loi N°99 du 28 décembre 1999 sur l’organisation de la concurrence.
Cette situation soulève une question plus large : celle de la place accordée aux consommateurs dans la définition des politiques publiques. En agissant unilatéralement, les autorités semblent ignorer l’impératif de dialogue social, pourtant indispensable à l’acceptabilité des réformes dans les secteurs stratégiques comme celui de l’énergie.
L’électricité : service public ou bien marchand ?
La polémique relance par ailleurs le débat sur la nature même de l’électricité : s’agit-il d’un bien de consommation comme un autre, ou d’un service public essentiel relevant d’une logique de solidarité ? Dans de nombreux pays, les services liés à l’eau, à l’énergie et à l’assainissement sont considérés comme des droits fondamentaux, dont la tarification obéit à des principes de justice sociale. Le choix d’augmenter les prix dans un contexte d’instabilité économique laisse craindre une orientation inverse, où la logique financière prime sur l’équité.
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Vers une crispation sociale ?
La LCT met en garde contre les conséquences sociales d’une telle décision. À défaut d’une réponse rapide et d’un engagement clair des autorités en faveur de solutions durables, un durcissement du climat social semble envisageable. L’histoire récente du continent montre que les politiques tarifaires mal perçues dans les secteurs de base peuvent rapidement devenir des catalyseurs de mouvements de contestation.
Quel avenir pour la gouvernance énergétique ?
Au-delà de la hausse des tarifs, c’est la question de la vision énergétique du pays qui est posée. Comment concilier l’impératif de rentabilité des infrastructures, la modernisation du réseau et l’accès équitable à l’énergie ? La réponse, pour être durable, devra nécessairement s’appuyer sur une gouvernance plus inclusive, transparente et soucieuse des enjeux sociaux.
En attendant, la Ligue des Consommateurs du Togo affirme son intention de poursuivre son action de veille et de plaidoyer. Reste à savoir si le gouvernement choisira la voie du dialogue ou celle de la confrontation silencieuse.